Poésie : Un arc de triomphe
Titre : Un arc de triomphe
Poète : Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)
Tout ce qu'ont dit les hirondelles 
Sur ce colossal bâtiment, 
C'est que c'était à cause d'elles 
Qu'on élevait un monument.
Leur nid s'y pose si tranquille, 
Si près des grands chemins du jour, 
Qu'elles ont pris ce champ d'asile 
Pour causer d'affaire, ou d'amour.
En hâte, à la géante porte, 
Parmi tous ces morts triomphants, 
Sans façon l'hirondelle apporte 
Un grain de chanvre à ses enfants.
Dans le casque de la Victoire 
L'une, heureuse, a couvé ses œufs, 
Qui, tout ignorants de l'histoire, 
Éclosent fiers comme chez eux.
Voulez-vous lire au fond des gloires, 
Dont le marbre est tout recouvert ? 
Mille doux cris à têtes noires 
Sortent du grand livre entr'ouvert.
La plus mince qui rentre en France 
Dit aux oiseaux de l'étranger 
« Venez voir notre nid immense. 
Nous avons de quoi vous loger. »
Car dans leurs plaines de nuages 
Les canons ne s'entendent pas 
Plus que si les hommes bien sages 
Riaient et s'entr'aimaient en bas.
La guerre est un cri de cigale 
Pour l'oiseau qui monte chez Dieu ; 
Et le héros que rien n'égale 
N'est vu qu'à peine en si haut lieu.
Voilà pourquoi les hirondelles, 
À l'aise dans ce bâtiment, 
Disent que c'est à cause d'elles 
Que Dieu fit faire un monument.