Poésie : La Méridienne du lion
Titre : La Méridienne du lion
Poète : Victor Hugo (1802-1885)
Le lion dort, seul sous sa voûte. 
Il dort de ce puissant sommeil 
De la sieste, auquel s'ajoute, 
Comme un poids sombre, le soleil.
Les déserts, qui de loin écoutent, 
Respirent ; le maître est rentré. 
Car les solitudes redoutent 
Ce promeneur démesuré.
Son souffle soulève son ventre ; 
Son oeil de brume est submergé, 
Il dort sur le pavé de l'antre, 
Formidablement allongé.
La paix est sur son grand visage, 
Et l'oubli même, car il dort. 
Il a l'altier sourcil du sage 
Et l'ongle tranquille du fort.
Midi sèche l'eau des citernes ; 
Rien du sommeil ne le distrait ; 
Sa gueule ressemble aux cavernes, 
Et sa crinière à la forêt. 
Il entrevoit des monts difformes, 
Des Ossas et des Pélions, 
À travers les songes énormes 
Que peuvent faire les lions.
Tout se tait sur la roche plate 
Où ses pas tout à l'heure erraient. 
S'il remuait sa grosse patte, 
Que de mouches s'envoleraient !