Poésie : Les étoiles filantes
Titre : Les étoiles filantes
Poète : Victor Hugo (1802-1885)
I.
À qui donc le grand ciel sombre 
Jette-t-il ses astres d'or ? 
Pluie éclatante de l'ombre, 
Ils tombent...? — Encor ! encor !
Encor ! — lueurs éloignées, 
Feux purs, pâles orients, 
Ils scintillent... — ô poignées 
De diamant effrayants !
C'est de la splendeur qui rôde, 
Ce sont des points univers, 
La foudre dans l'émeraude ! 
Des bleuets dans des éclairs !
Réalités et chimères 
Traversant nos soirs d'été ! 
Escarboucles éphémères 
De l'obscure éternité !
De quelle main sortent-elles ? 
Cieux, à qui donc jette-t-on 
Ces tourbillons d'étincelles ? 
Est-ce à l'âme de Platon ?
Est-ce à l'esprit de Virgile ? 
Est-ce aux monts ? est-ce au flot vert ? 
Est-ce à l'immense évangile 
Que Jésus-Christ tient ouvert ?
Est-ce à la tiare énorme 
De quelque Moïse enfant 
Dont l'âme a déjà la forme 
Du firmament triomphant ?
Ces feux-là vont-ils aux prières ? 
À qui l'Inconnu profond 
Ajoute-t-il ces lumières, 
Vagues flammes de son front ?
Est-ce, dans l'azur superbe, 
Aux religions que Dieu, 
Pour accentuer son verbe, 
Jette ces langues de feu ?
Est-ce au-dessus de la Bible 
Que flamboie, éclate et luit 
L'éparpillement terrible 
Du sombre écrin de la nuit ?
Nos questions en vain pressent 
Le ciel, fatal ou béni. 
Qui peut dire à qui s'adressent 
Ces envois de l'infini ?
Qu'est-ce que c'est que ces chutes 
D'éclairs au ciel arrachés ? 
Mystère ! Sont-ce des luttes ? 
Sont-ce des hymens ? Cherchez.
Sont-ce les anges du soufre ? 
Voyons-nous quelque essaim bleu 
D'argyraspides du gouffre 
Fuir sur des chevaux de feu ?
Est-ce le Dieu des désastres, 
Le Sabaoth irrité, 
Qui lapide avec des astres 
Quelque soleil révolté ?