Fable : L'insecte utile et l'insecte nuisible
Titre : L'insecte utile et l'insecte nuisible
Poète : Antoine-Vincent Arnault (1766-1834)
Fable III, Livre III.
Tu fais un fort mauvais métier, 
Quoiqu'il soit des plus à la mode, 
Disait à cet insecte inutile, incommode, 
Plat surtout, qui, parfois, nous oblige à veiller, 
Le ver industrieux que nourrit le mûrier. 
Pour toi, mordre est une habitude, 
Et tourmenter est un plaisir ; 
J'en conclus, non sans certitude, 
Que tu n'es pas né pour vieillir. 
On te déteste ; à chaque phrase, 
Petits et grands, chacun le dit ; 
Si l'on te nomme, on te maudit ; 
Si l'on te rencontre, on t'écrase. 
M'en croiras-tu ? Renonce à tes goûts malfaisants. 
Tu fus nuisible, sois utile. 
Comme les dieux, l'homme est facile ; 
On l'adoucit par des présents. 
Songes-y bien, l'or que je file, 
Celui que l'abeille distille, 
De tes persécuteurs a fait nos complaisants :
À l'œuvre donc ! — Vraiment, c'est parler comme un livre ! 
Dit la fille des nuits ; et ceux à qui le ciel 
Donna l'art de produire ou la soie ou le miel, 
N'ont pas d'avis meilleur à suivre ; 
Mais nous, à qui Dieu départit 
Moins de talent que d'appétit 
Si nous ne mordons, comment vivre ?