Poésie : À Madame Caroline Angebert
Titre : À Madame Caroline Angebert
Poète : Théodore de Banville (1823-1891)
Chanter, mais dans le soir sonore 
Et pour ses amis seulement, 
Fuir le bruit qui nous déshonore 
Et le vil applaudissement ;
Brûler, mais conserver sa flamme 
Pour le seul but essentiel, 
Être cette espérance, une âme 
Qui chaque jour s'emplit de ciel ;
Avec une pensée insigne 
Qui vous berce dans ses éclairs, 
Vivre, blanche comme le cygne 
Parmi les flots dorés et clairs ;
Ne rien chercher que la lumière, 
S'envoler toujours loin du mal 
Sur les ailes de la Prière, 
Jusqu'au glorieux idéal ;
Sentir l'Ode au grand vol qui passe 
En ouvrant ses ailes sans bruit, 
Mais ne lui parler qu'à voix basse 
Dans le silence et dans la nuit ;
Rappeler sa pensée errante 
Dans les pourpres de l'horizon ; 
Être cette fleur odorante 
Qui se cache dans le gazon ;
Telle est votre gloire secrète, 
Esprit de flammes étoilé, 
Dont l'inspiration discrète 
Fait tressaillir un luth voilé !
Ah ! que la grande poétesse, 
Devant les vastes flots déserts 
Maudissant la bonne Déesse, 
Jette sa plainte dans les airs !
Que la douloureuse Valmore, 
En arrachant l'herbe et les fleurs, 
Montre à l'insoucieuse aurore 
Ses beaux yeux brûlés par les pleurs !
Mais celle qui pourrait comme elles 
Suivre le grand aigle irrité, 
Et qui domptant ses maux rebelles 
Se résigne à l'obscurité,
Celle-là, guérie en ses veines, 
Sent le calme victorieux 
Triompher des angoisses vaines ; 
Et ces êtres mystérieux
Dont l'invincible souffle enchante 
Ce qui vit et ce qui fleurit, 
Disent entre eux lorsqu'elle chante : 
Écoutons-la, c'est un esprit.